Macron pas le dernier sur les cultes
Des principes aux exercices pratiques. Emmanuel Macron l’avait promis. Il l’a fait. Quelques jours avant la trêve des confiseurs, il a longuement reçu, jeudi après-midi à l’Elysée, les responsables des cultes en France, une réunion prévue début décembre mais annulée pour cause de funérailles de Jean d’Ormesson et de Johnny Halliday.
Et visiblement, Macron a réussi son coup. «Le président de la République envisage clairement les religions comme des partenaires», s’est enthousiasmé à la sortie de la rencontre le pasteur François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France (FPF). Pour le grand rabbin de France, Haïm Korsia, le chef de l’État a d’emblée fixé le cadre, regrettant «une lecture radicale» que font certains «de la laïcité», voire sa «radicalisation» dans certains débats qu’il n’aurait pas vocation «à arbitrer». Le pasteur ne tarit plus d’éloges sur la «connaissance fine et précise des enjeux» qu’a, selon lui, Emmanuel Macron. «Il n’est pas du tout sur une ligne qui exclurait le fait religieux», ajoute-t-il. «Un dialogue de fond s’installe qui ne se fait plus uniquement dans l’urgence des drames, pointe de son côté Anouar Kbibech, le vice-président du CFCM (Conseil français du culte musulman). Cela augure d’une concertation de qualité.»
Aumôniers pénitentiaires
Quoi qu’il en soit, le mystère n’est toujours pas levé sur la date (on parlait de janvier) et le contenu du futur et très attendu discours sur la laïcité du président de la République. Aux responsables des cultes, Macron a répété qu’il interviendrait sur le sujet et «les valeurs de la République». De son côté, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, très engagé sur le dossier laïcité, a confirmé que se mettrait prochainement en place un enseignement (laïc s’entend) du fait religieux dans le primaire et le secondaire.
Les responsables religieux, globalement sur la même longueur d’ondes concernant la laïcité, ont fait part d’un certain nombre de demandes. Dans le cadre de leurs concertations régulières, ils s’étaient d’ailleurs retrouvés lundi. Ils réclament un développement des aumôneries, surtout dans les prisons pour faire face à la radicalisation. Depuis plusieurs années, les responsables musulmans bataillent pour un véritable statut de leurs aumôniers pénitentiaires, très mal rémunérés et de ce fait difficiles à recruter. Les religieux ont également parlé au chef de l’Etat des réductions budgétaires qui affectent les émissions religieuses, diffusées le dimanche matin. Parmi les sujets plus politiques, ils ont transmis l’inquiétude des associations sur le durcissement de la politique gouvernementale à l’égard des réfugiés. Traditionnellement, ce sujet est une pomme de discorde entre les gouvernements et les autorités religieuses.
Questions bioéthiques
Avec cette rencontre, Emmanuel Macron confirme sa vision «libérale» de la laïcité. «C’est la mise en œuvre de sa conception», pointe Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, secrétaire général de la Conférence des évêques de France (CEF). Pendant la campagne présidentielle, Macron avait pris l’engagement de ne pas toucher à la loi de 1905 et de ne pas interdire le port du voile à l’université. Président, il avait précisé sa pensée devant les protestants réunis fin septembre à l’Hôtel de ville de Paris pour commémorer les 500 ans de la Réforme. «La laïcité, ce n’est pas une religion d’Etat, c’est une exigence politique et philosophique. Ce n’est pas la négation des religions, c’est la capacité à les faire coexister dans un dialogue permanent», déclarait-il. Dans la foulée et fidèle à sa méthode de concertation, il avait pris l’engagement de consulter les cultes sur les questions bioéthiques, notamment sur la PMA (procréation médicalement assistée) et la fin de vie, d’importants (et polémiques) chantiers pour 2018. Il en a été à nouveau question lors de la rencontre de jeudi. Selon plusieurs responsables de cultes, le Président s’est engagé à les écouter sur ces sujets lors des concertations des mois à venir. «Il y a un climat d’écoute très constructif», estime Olivier Ribadeau-Dumas.
Cette réunion de l’Elysée constituait le coup d’envoi de l’instance de dialogue avec les religions, annoncée depuis plusieurs mois. Parmi les responsables religieux, l’initiative, de prime abord, n’avait guère soulevé l’enthousiasme. Ils en voient désormais l’intérêt. «Cela fait partie d’une volonté d’apaisement dans une société qui a tendance à tout hystériser», commente Olivier Ribadeau-Dumas.