La fête de l’Annonciation au Liban, par Alexia, Volontaire en Service civique à Beyrouth
Une initiative pour réunir le Liban autour de Marie
Depuis 2010, le 25 mars, jour de l’Annonciation de l’Ange Gabriel à Marie, est une fête nationale pour les chrétiens et les musulmans au Liban. Cette initiative a pour objectif de favoriser l’entente nationale et l’amitié entre les communautés, en s’appuyant sur la mise en valeur de la Vierge Marie, point de référence important commun aux religions chrétienne et musulmane, et d’un épisode de sa vie en particulier, l’Annonciation, rapportée aussi bien dans l’Evangile que dans le Coran.
Comme chaque année, la chapelle Notre Dame de Jamhour a accueilli la cérémonie annuelle de la Rencontre Islamo-chrétienne autour de la Vierge Marie. Entamée par le traditionnel fond sonore de cloches et d’appels du muezzin, la cérémonie alterne chants religieux chrétiens et musulmans, et est ponctuée d’interventions et de témoignages de personnalités religieuses issues des différentes communautés représentées.
Ses organisateurs, Nagi El Khoury et le cheikh Mohammad Nokkari, ont fortement contribué à l’instauration de ce jour comme fête nationale commune. Le cheikh Mohammad Nokkari revient sur l’importance de qualifier cette fête de «nationale commune » et non de « religieuse » et résume leur combat en ces termes : « Notre rencontre, musulmans et chrétiens de confessions différentes, prouve qu’à part la citoyenneté, nous sommes unis par l’amour d’une personne aimée, élue et pure, d’une mère douce, tendre et affectueuse, dans le respect de notre foi musulmane ou
chrétienne. Il n’y a aucune offense à partager cet amour, et ne sera mentionné, au cours de cette rencontre, que le lien d’amour et de vénération à cette Vierge sainte et pure qui nous unit. On ne discutera pas nos différences : le musulman reste musulman et le chrétien demeurera chrétien. Cette rencontre n’a nullement pour objectif de rajouter une nouvelle fête musulmane. Aucun pouvoir politique ou « religieux » ne peut, dans la doctrine musulmane, ajouter une fête aux deux fêtes musulmanes du Fitr et de l’Adha. Il ne s’agit pas non plus d’ajouter une nouvelle fête chrétienne : la fête de l’Annonciation restera ce qu’elle est. Il n’y a dans notre rencontre aucune pratique religieuse musulmane ou chrétienne commune. Cette rencontre n’invente ni une nouvelle fête ni une nouvelle religion, ni une nouvelle doctrine, ni des rites différents propres à l’occasion : c’est bien pour ces raisons-là que nous avons voulu, dès le départ, que notre rencontre devienne fête nationale commune et non pas une fête religieuse ».
Cette fête nationale commune a donc vocation à célébrer l’unité culturelle et religieuse entre chrétiens et musulmans en s’accompagnant d’un programme social, culturel et religieux commun.
Si on ne peut que saluer l’instauration d’une fête commune aux deux religions, et reconnaître que la rencontre organisée à Jamhour est incontestablement un franc succès, nous ne pouvons cependant nier que de telles célébrations à l’occasion de l’Annonciation sont, malheureusement des faits assez isolés au Liban. L’Annonciation est en effet restée encrée dans les mentalités comme une fête chrétienne et une grande partie des citoyens n’ont pas connaissance de l’instauration d’une fête commune le 25 mars. Alors que les uns célèbrent l’Annonciation comme le veut la tradition chrétienne, les autres ne se sentent pas concernés par cette fête qui est restée, dans l’imaginaire collectif, une fête purement religieuse.
Des efforts sont encore à mener aux niveaux politique et social afin de faire de l’Annonciation une célébration réellement nationale et ressentie comme telle par l’ensemble des citoyens. Le pays du cèdre semble cependant être sur la bonne voie. L’Etat libanais a annoncé dernièrement qu’il accordera un terrain dans la capitale, Beyrouth, pour y fonder un centre international de dialogue des religions et des cultures ainsi qu’une petite place pour y aménager « le jardin de Marie ».
Alexia El Haddad, 12 avril 2017